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 Pourquoi éprouve-t-on le besoin de différenciation ?

Couverture, Gender Blending, Holly Devor

Baruch Spinoza, philosophe néerlandais du XVIIè siecle

      

              Les différences entre les sexes sont extrêmement variables d’une société à l’autre. Fortement exprimées ou à peine perceptibles (dans nos société d’aujourd’hui il est parfois difficile de distinguer un jeune homme d’une jeune femme), la différenciation sexuée est une réalité universelle.

 

              Même si cette différenciation est le résultat de l’apprentissage et nous est transmise par la société, le besoin différenciation apparait d’avantage comme une nécessite… « La plupart des sociétés utilisent le sexe et le genre comme principal schéma cognitif pour comprendre leur environnement. Les gens, les objets, les idées sont communément classés comme males ou femelles » (Holly Devor, Gender Blending). Ce schéma est utilise par les enfants pour comprendre le monde mais surtout pour se comprendre eux-mêmes afin de pouvoir trouver une place dans la société. L’acte de connaitre commence d’abord avec la distinction et la classification, et en tout premier lieu avec le dualisme: l’enfant apprend à classer les gens et les objets en deux groupes, l’un semblable à lui, l’autre opposé. Toute acquisition d’une identité (sociale ou psychologique) est le résultat d’un processus extrêmement complexe qui comporte une relation positive  d’inclusion et une relation négative d’exclusion. On se définit donc par ressemblances avec certains et différences avec d’autres. L’identité sexuée obéit également à ce processus d’identification et de distinction. C’est pour cela que dans les sociétés humaines arrive toujours un moment de ségrégation entre les enfants males et les enfants femelles qui se séparent pour former des groupes unisexes. Cet âge des amitiés « homosexuelles » est important pour la formation de l’identité sexuée. Ils se réuniront à nouveau quand celle-ci est déjà affirmée.

 

         On remarque cependant que l’être humain se définit avant tout négativement. Pour affirmer ce qu’il est, l’enfant doit d’abord affirmer ce qu’il n’est pas. Dans le cas de l’identité sexuée, le propos de Spinoza « toute détermination est négation »  est néanmoins  d’avantage applicable à lui qu’à elle. Selon la psychologue américaine Ruth Harley  « les males apprennent généralement ce qu’ils ne doivent pas être pour êtres masculins avant d’apprendre ce qu’ils peuvent être…  Beaucoup de garçons définissent simplement la masculinité : ce qui n’est pas féminin ». L’enfant male, né d’une femme, bercé  dans un ventre féminin, est condamné à la différenciation pendant une grande partie de sa vie, contrairement à l’enfant femelle qui se construit d’avantage par identification. Lui ne peut exister qu’en s’opposant à sa mère, sa féminité, au féminin. Il faudra qu’il convainc soi-même et les autres membres de la société qu’il n’est pas une femme en s’opposant à tous ce qui est féminin. Comment la psychanalyse et la philosophie abordent-elles cette différenciation?

 

Le besoin de différenciation en psychanalise et philosophie:

Sigmund Freud par Max Halberstadt en 1922
Portrait de Simone de Beauvoir
Portrait de Antoinette Fouque
Portrait de Luce Irigaray
Portrait de Thomas Laqueur

Les humains ont toujours eut le besoin d’appartenir et de s’identifier à un groupe. La différence biologique entre l’homme et la femme a alors conduit à une exagération des déterminismes des deux catégories socialement instaurées. Selon Freud « il est indispensable de se rendre compte que les concepts de « masculin » et « féminin », dont le contenu semble tellement non équivoque à l’opinion commune, appartiennent dans la science à ceux des plus confus et sont à décomposer dans au moins trois directions différentes. On utilise masculin et féminin tantôt dans le sens d’activité et de passivité, tantôt dans le sens biologique, et puis aussi sociologique. » Les mots « masculin » et « féminin » ont alors acquis au fur et à mesure de plus en plus de connotations qui pour la plupart sont artificielles et infondées.

 

La masculinité aurait des rapports avec la « bonne santé mentale », alors que la féminité aurait des liens avec le neuroticisme, la dépendance et la dépression. De plus, la féminité est corrélée à un de bas niveaux de psychoticisme (empathie, socialisation et sensibilité), alors que la masculinité est corrélée à l’extraversion et aux performances. Le système patriarcal est conçu pour contrer la fragilité masculine.

 

Freud dit que « la libido est désignée comme masculine, car la pulsion est toujours active, même là où elle s’est donnée un but passif. »  Une des connotations de la masculinité est donc la libido, c’est-à-dire que l’homme a un appétit sexuel insatiable, alors que la femme, elle, est beaucoup plus passive et a donc moins ce désir, car elle peut le contrôler mieux. Et selon lui, quoique « masculin et féminin sont […] caractérisés par la présence du spermatozoïde et de l’ovule, et par les fonctions qui en découlent », en raison de la «constitution bisexuelle et de leur hérédité croisée, possèdent à la fois des traits masculins et des traits féminins, si bien que le contenu des constructions théoriques de la masculinité pure et de la féminité pure reste incertain. »et il est indéniable que « ni dans le sens psychologique, ni dans le sens biologique, on ne trouve une pure masculinité ou une pure féminité. » Pour Freud comme pour de Beauvoir, «on ne naît pas femme on le devient».

 

Selon Simone de Beauvoir « une femme dans sa singularité n'y trouvera à la fin que sa négativité, voire une figure du néant. ». Comme Freud, elle dit que tous ce qui détermine l’homme est tout simplement ce que n’est pas la femme. Et dans ce rapport, elle occupe la place de l'Autre, de l'Objet, voire de la proie. Selon elle, dans nos sociétés phallocentriques « La femme se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle; elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le sujet, il est l’Absolu: elle est l’Autre ». C’est donc pour cela que, s’inspirant de Nietzche, Sartre, D.H. Lawrence, de Rosamond Lehman et des recherches anthropologiques de Lévi-Strauss, elle encourage un certain rejet de la « vocation maternelle » car c’est à cause de celle-ci que la femme est réifiée et considérée comme Autre absolu.

 

Inversement, Fouque et Irigaray veulent faire de la différenciation sexuée la donnée première. Pour elles le seul moyen d’atteindre un niveau d’égalité entre les deux sexes est de les distinguer clairement, faisant des déterminismes socio-culturels des outils, grâce auxquels les individus pourront enfin connaitre une vrai égalité, du moins dans le domaine du sexe. Pour Fouque, la spécificité des femmes dans le domaine de la reproduction, c’est-à-dire les « déterminations biologiques » sont une contrainte uniquement à cause de la société, la religion et la culture qui imposent ce point de vue.  

 

Le propos de Luce Irigaray dans Spéculum de l'autre femme (éd. De Minuit, 1974) va dans le même sens. Elle critique les philosophes et psychanalystes qui nient la différenciation sexuée. Elle reconnait l’existence des deux sexes et revendique leur différenciation, incitant à une intégration et un élargissement du système symbolique qui doit les accompagner.

Simone de Beauvoir, elle, n’est pas du tout d’accords avec ce type de pensée. Selon elle, le sexe est une caractéristique mineure de l’être humain, qui ne doit pas avoir de conséquences sur la vie des individus, qui sont tout d’abords tous humains, et non homme ou femme.

 

Les "gender studies" (études du genre) sont très à la mode outre-Atlantique. On a affaire ici à une nouvelle « philosophie » qui est un combat politique féministe dont le postulat est simple : « Il n’y a pas d’essence de la féminité, mais un apprentissage tout au long de la vie des comportements socialement attendus d’une femme. » Le genre tend à être défini comme un système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (homme/femme) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin). Les études sur le genre ont succédé récemment aux études féministes.

 

Si on lit les analyses concrètes, on découvre, une question nouvelle en sociologie : peut-on désexualiser les activités sociales et culturelles sans désexualiser les personnes ? Une fois supprimé le déterminisme biologique, nous nous heurtons à une autre « invariance », celle d’un déterminisme culturel, non moins contraignant, qui fonderait les sociétés réelles : les femmes ont leur place dans la culture pour y représenter, au nom de la maternité, le pôle naturel dont l’humanité ne peut se couper totalement sans périr, face aux hommes qui y représentent le pôle culturel, au nom de la paternité détachée de toute implication biologique. On voit donc la formation d’un système des équivalences où le féminin est confondu avec le maternel, le maternel avec l’infantile et l’infantile avec l’animalité.

 

 Thomas Laqueur a publié après dix ans de travaux un ouvrage célèbre sur la mutation lentement inscrite dans les esprits concernant la conception du corps et du sexe depuis le XVIIIe siècle. Dans le monde grec, puis dans les deux millénaires qui ont suivi, « l’étalon du corps humain et ses représentations demeurent le corps mâle » [16, p. 87]. Il présente son travail comme le prolongement de la thèse de Simone de Beauvoir sur Le deuxième sexe : « Tout ce que l’on peut vouloir dire sur le sexe contient déjà une affirmation sur le genre »

 

Toute définition d’un groupe d’individus ne fait que limiter celui-ci. Une telle généralisation empêche l’épanouissement de la société, car les individus qui la composent ne font que chercher à être conformes aux lois généralisantes qui doivent les définir, à la place de chercher à évoluer et prospérer. Des courants de pensée multiples existent concernant le genre, certains acceptent et encouragent les différenciations entre les sexes, d’autres au contraire les critiquent et les nient. Les courants de pensée modernes renvoient-ils vers un retour à l’Androgyne ?  

 

 

 

 

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